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Une affaire de femmes. Commentaires par Anne Lagerwall, chargée de cours à la Faculté de droit et de criminologie de l’ULB.
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Si la figure du juge et, plus généralement, le thème de la justice ont été fréquemment et amplement explorés au cinéma, la justice pénale suscite tout particulièrement l’intérêt des réalisateurs. Leur intérêt sans cesse renouvelé pour les affaires criminelles et les procès pénaux a pu être expliqué par les ressorts dramatiques de ces affaires qui en feraient « la matière privilégiée d’un traitement fictionnel » pour reprendre les termes de Bruno Dayez dans son ouvrage Justice et cinéma – Quarante méditations sur la justice vue à travers le septième art (Anthémis, Louvain-la-Neuve, 2007, p. 13). Certains cinéastes ont même été à ce point inspirés par le thème de la justice qu’ils y ont consacré plusieurs films au long de leur carrière. C’est le cas de Claude Chabrol. Dix ans avant Une affaire de femmes, il réalise Violette Nozière qui raconte l’histoire d’une jeune femme qui commet un crime dans un contexte politique particulièrement troublé, celui des années 1930 et de la montée du fascisme – une jeune accusée qui est déjà incarnée par Isabelle Huppert alors âgée de 25 ans. Avant cela, Claude Chabrol signe Landru, un film qu’il consacre à la figure mythique de celui qu’on présente souvent comme l’un des premiers tueurs en série, opérant durant les temps noirs de la première guerre mondiale. C’est dire si Claude Chabrol est curieux de la justice et de ses rapports avec le contexte politique et historique dans lequel elle se rend. Du reste, Une affaire de femmes qui date de 1988 n’est pas le dernier film dans lequel il traite d’une affaire judiciaire puisqu’il délivre encore en 2006, quelques années avant son décès, L’Ivresse du pouvoir qui suit cette fois le travail d’une juge d’instruction, encore incarnée par Isabelle Huppert, s’intéressant à la criminalité en col blanc des milieux industriels et commerciaux.
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Pour en venir à présent au film en question, il faut rappeler tout d’abord et brièvement qu’il raconte l’histoire d’une faiseuse d’anges sous le régime de Vichy et retrace le sort qui lui est réservé par la justice en raison de cette activité. Parmi tout ce que le film donne à voir de la justice et des juges, trois images méritent principalement d’être commentées, trois images de la justice qui renvoient d’ailleurs les unes aux autres et qu’on illustrera à l’aide d’un extrait du film particulièrement significatif et de trois autres extraits plus particuliers. En guise de synthèse, on pourrait dire que le film met en scène une justice de classe, virile et servile.