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To Kill a Mockingbird (Du Silence et des Ombres, Robert Mulligan, 1962): une figure du juge équivoque,
par Laura Van den Eynde, chercheuse au Centre de droit public. -
Basée sur le roman éponyme d’Harper Lee, l’histoire de ce film se déroule dans une petite ville indolente de l’Alabama en 1930. Elle est racontée par la fille d’un avocat (Atticus Finch) désigné pour défendre un homme Noir (Tom Robinson), accusé d’avoir violé une femme blanche.
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Sorti deux ans avant l’adoption du Civil Rights Act qui interdit la ségrégation raciale dans plusieurs domaines, le film a été acclamé et l’acteur principal, Gregory Peck, obtint l’Oscar du meilleur acteur. Cela n’a pas empêché certains critiques de souligner la lenteur des séquences, la lourdeur de trop de bonnes intentions et surtout l’absence d’un traitement de fond des questions de « races » et de classes sociales. Le film a en effet fait l’objet de nombreuses analyses et la figure d’Atticus Finch en particulier a fait couler de l’encre: à la sortie du film, beaucoup y ont vu un héros et il est rapidement devenu une référence dans les manuels d’éthique professionnelle. Mais les critiques n’étaient pas unanimes : après tout, le distingué avocat participe à l’injustice ambiante, il n’a pas choisi de défendre Robinson mais a été désigné par le juge chargé de l’affaire, et l’histoire ne semble pas indiquer qu’il remet en cause la composition raciale du jury. Certains ont même avancé que la défense de cette cause présente le cliché traditionnel du Noir offrant la rédemption au Blanc (dans ce cas-ci l’avocat) de vivre confortablement au sein d’une société ségrégée (voir entre autres : M. Freedman, « Atticus Finch – Right and Wrong », 45 Alabama Law Review, 1994, pp. 473-482 ; T. Banks, « To Kill a Mockingbird (1962) : Lawyering in an Unjust Society », dans Strickland et al. (éds.), Screening Justice – The Cinema of Law: Films of Law, Order and Social Justice, 2006, pp. 239-252).
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Ce billet se concentre sur la figure du juge Taylor, qui apparaît dans deux séquences, lesquelles me conduisent à qualifier la figure incarnée par ce juge d’« équivoque » : acteur au sein d’un système ségrégationniste, il oscille entre la volonté d’adoucir ce système (dans la première séquence où il apparaît, il tente d’aider l’inculpé en désignant l’avocat Finch à la défense) tout en y participant et en le légitimant, par voie de conséquence. En effet, dans la seconde séquence, on le voit siéger lors de ce procès « joué d’avance ».